Sommaire
- La France, plus grand consommateur européen de pesticides
- Mesurer les pesticides dans l’air n’est pas obligatoire
- Face à l’enjeu sanitaire, un réseau de surveillance a été mis en place
- L’étude de l’ORAMIP
- Quels « pesticides » sont mesurés ?
- Comment les pesticides se retrouvent-ils dans l’air ?
- Les pesticides dans l’air amplifient les pics de pollution
- Des pesticides français jusqu’en Antarctique
- Du Roundup dans l’air aux États-Unis
- La population française exposée partout
- L’exposition varie en fonction des usages des pesticides
- Certains pesticides persistent dans l’environnement des années après leur interdiction
- La contamination est au plus fort en été et au printemps
- L’air extérieur est plus pollué à la campagne qu’en ville
- Quels dangers pour la santé ?
- Des solutions alternatives aux pesticides existent
La France, plus grand consommateur européen de pesticides
Plus de la moitié du territoire français est cultivé. Malheureusement, la France est le plus grand consommateur européen de pesticides en tonnage. En 2003, 74 500 tonnes de substances actives ont été utilisées en France. Sur ce total, 41% sont des herbicides, 39% des fongicides, 9% des insecticides et 11% d’autres produits. Pas étonnant qu’après pulvérisation, on en retrouve dans l’air.
Le nombre de pesticides autorisés sur le marché européen diminue mais leur présence dans l’environnement reste très importante.
Mesurer les pesticides dans l’air n’est pas obligatoire
Alors que les pesticides sont obligatoirement mesurés dans l’eau (norme européennes existant depuis plus de 30 ans) et dans les denrées alimentaires, rien n’oblige en France ou en Europe, de mesurer leur présence dans l’air. Nous ne pouvons donc pas savoir chaque jour la teneur en pesticides dans l’air. Il n’existe pas à ce jour de plan de surveillance national, ni de limite réglementaires sur les concentrations de pesticides dans l’air (intérieur ou extérieur).
Heureusement, depuis 2000, la plupart des Associations de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA) en France mesurent leurs concentrations pour établir un état des lieux de leur présence dans l’atmosphère sur le territoire national et évaluer le risque sanitaire que cela représente.
Quelques mesures ont également été faites sur la contamination de l’air intérieur par les pesticides, par l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (OQAI).
Face à l’enjeu sanitaire, un réseau de surveillance a été mis en place
Les AASQA en France
Il existe aujourd’hui un réseau de surveillance couvrant la quasi-totalité du territoire national à l’exception des DOM. Près de 100 000 mesures ont été réalisées, dont 12.000 dépassant les limites sanitaires d’exposition.
En 2005, un outil a été créé pour hiérarchiser les pesticides en fonction de leur toxicité, de leur tonnage, de leur volatilité et des cultures environnantes. La méthodologie a été harmonisée entre les AASQA pour renforcer la base de données alimentée annuellement par les celles-ci et gérée par l’INERIS.
En 2008, l’Observatoire des Résidus de Pesticides (ORP) a demandé un état des lieux des connaissances disponibles sur la présence de pesticides dans l’air. Le rapport « Recommandations et perspectives pour une surveillance nationale de la contamination de l’air par les pesticides » (2010) reprend les conclusions de ces travaux et met en lumière le manque d’harmonisation au niveau des pratiques et les difficultés à exploiter les données collectées pour caractériser l’exposition des populations.
L’étude de l’ORAMIP
L’ Observatoire régional de l’air en Midi-Pyrénées (Oramip) a publié en avril 2016 les résultats d’une campagne de mesure des molécules contenues dans des produits phytosanitaires dans l’air ambiant. Elle a été réalisée sur une période d’un an, de mars 2014 à mars 2015, sur deux sites : l’un en environnement rural, dans le Lauragais, en Haute-Garonne ; l’autre en milieu urbain, à Auch, dans le Gers. 32 prélèvements, pour rechercher quelque 60 molécules. Téléchargez l’étude complète.
L’étude d’Airparif
Airparif, l’association de surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France, a publié le 11 mai 2016 une étude similaire sur la présence de pesticides dans l’air, à la campagne et en ville. Les ingénieurs ont recherchés 178 molécules et en ont détecté 38. Les zones agricoles sont logiquement plus exposés à la présence des polluants chimiques, et d’avantage au printemps, lors des pics d’usage par les agriculteurs.
Quels « pesticides » sont mesurés ?
Le terme « pesticide » englobe les produits phytosanitaires, certaines substances biocides ainsi que certains antiparasitaires à usage humain et vétérinaire. Par exemple, Air PACA (l’organisme de surveillance de la qualité de l’air en région PACA), dans le cadre du Plan Régional Santé Environnement (PRSE2), a mis en place un Observatoire des Résidus de Pesticides sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en partenariat avec le Laboratoire de Chimie de l’Environnement (Aix-Marseille Université). La première année a été consacrée à l’établissement d’une liste de 43 substances d’intérêt. Parmi les 43 substances recherchées, 36 ont été détectées.
3 herbicides (chlorprophame, oxadiazon, pendiméthaline)
3 insecticides (chlorpyriphos-éthyl, lindane, PBO)
1 fongicide (tébuconazole)
Comment les pesticides se retrouvent-ils dans l’air ?
Pendant l’épandage, en fonction des conditions météorologiques et des modes d’applications, de 25% à 75% des produits phytosanitaires ne se déposent pas sur les aires traitées. Ce taux peut même atteindre jusqu’à 90% sur des sols humides. Cela contamine l’air, les brouillards et les pluies.
Les pesticides peuvent donc s’introduire dans l’air lors de l’application mais aussi après leur dépôt en se volatilisant ou encore en s’y diffusant par des phénomènes d’érosion.
De la même façon, les pesticides utilisés par les particuliers (jardinage, traitement des animaux) ou par les municipalités (entretien des parcs, des cimetières ou de la voirie) se retrouvent également en partie dans l’air.
Les pesticides dans l’air amplifient les pics de pollution
Les pesticides les moins stables peuvent également subir des dégradations chimiques ou photochimiques et produire ainsi des aérosols et des polluants secondaires tels que l’ozone. C’est ainsi, par exemple, qu’ils contribuent à amplifier les pics de pollution dans les villes, comme ce fut le cas lors du pic record de mars 2014 à Paris.
Des pesticides français jusqu’en Antarctique
Les pesticides les plus stables peuvent subir des transports à longue distance en fonction des vents et contaminer ainsi les zones les plus reculées de la planète telle que l’Antarctique.
Du Roundup dans l’air aux États-Unis
Selon l’US Geological Survey révèle que l’herbicide Roundup (dont la molécule active est le glyphosate) et le sous-produit toxique de sa dégradation (AMPA) ont été trouvés dans plus de 75% des échantillons d’air et de pluie testés dans l’Etat du Mississippi en 2007.
La population française exposée partout
Source AFSET
Air extérieur…
Toutes les études menées par les AASQA montrent, sans exception, la présence de pesticides dans l’atmosphère. 114 substances actives ont été détectées soit 67% des pesticides recherchés. Certains pesticides sont observés dans 100% des prélèvements. D’autres n’ont jamais ou très peu été observés.
En général, les maxima de concentrations hebdomadaires dans l’air sont inférieures à 100 nanogrammes par mètre cube (n/mᶟ) quelle que soit la nature et la typologie du site.
Les maxima en concentration journalière, en milieu urbain, peuvent atteindre des niveaux allant jusqu’à 270 ng/mᶟ.
En milieu rural, proche des parcelles traitées et pendant l’épandage, les concentrations maximales observées peuvent être au moins 100 fois supérieures à celles observées en situation de fond.
…Mais aussi à l’air intérieur
Il existe très peu de données sur la contamination de l’air intérieur par les pesticides et le nombre d’échantillons de logements est très limité. Les études montrent la rémanence (période pendant laquelle le produit continue d’exercer son action) dans l’air intérieur de certains pesticides interdits comme le Lindane et de poussières déposées au sol de composés non détectés dans l’air extérieur.
Sur 84 substances recherchées, 38 ont été détectées au moins une fois. Les niveaux des concentrations observées sont pour 43% inférieures à 1 ng/mᶟ, pour 33% comprises entre 1 et 10 ng/mᶟ et pour 24% supérieures à 10 ng/mᶟ.
Les écarts de concentrations entre la ville et la campagne ainsi que les produits détectés sont similaires pour l’air extérieur et l’air intérieur.
L’exposition varie en fonction des usages des pesticides
Différentes expositions
Selon l’OMS, l’alimentation est la principale source d’exposition aux pesticides. Cependant, il ne faut pas oublier qu’à côté de l’alimentation, il y a de nombreuses autres sources de contamination par les pesticides :
Air intérieur
Air extérieur
Sols
Poussières intérieures
La part de ces différentes sources dans l’exposition globale reste à déterminer car les données produites sont trop hétérogènes et ne sont pas suffisantes pour caractériser l’exposition de la population générale aux pesticides.
Source ATMO / LCSQA
L’entretien des parcs publics, des cimetières, des réseaux de transports et de la voirie ainsi que l’usage domestique (produits de jardinage, traitement des plantes d’intérieur, antiparasitaires sur les animaux domestiques) créée une exposition majoritairement en ville.
La multi-culture expose majoritairement les habitants des sites urbains. La viticulture, quant à elle, expose majoritairement les habitants des sites ruraux. Et la grande culture, les sites péri-urbains.
Les niveaux mesurés sont représentatifs des pratiques agricoles aux alentours des sites de mesure. Dans les villes proches de zones viticoles par exemple (Tours, Nantes, Reims, Troyes, Châlons-en-Champagne, etc.), les concentrations de molécules utilisées dans le traitement de la vigne sont très importantes.
Certains pesticides persistent dans l’environnement des années après leur interdiction
Les utilisations de pesticides ont évolué, notamment suite au programme européen de révision des homologations des substances actives et à la mise en place du plan national Ecophyto.
Certains pesticides ont disparu dans l’air suite à leur interdiction. D’autres comme le lindane sont encore très présent malgré leur interdiction car ils ont une très forte persistance environnementale.
La contamination est au plus fort en été et au printemps
Une contamination épisodique (lors des épandages) s’ajoute à une contamination chronique. Il y a donc une présence de pesticides dans l’air toute l’année.
Cependant, l’été et le printemps sont plus chargés, contrairement à l’hiver. La variation saisonnière est due à l’utilisation de pesticides (épandages) et à la météo (mouvements des masses d’air).
Les herbicides sont prédominants à partir de l’automne jusqu’au début du printemps. Les fongicides surtout l’été. Et les insecticides sont présents dans l’air ambiant surtout au printemps.
Certains pesticides sont observés dans l’air environ 11 mois de l’année, alors que d’autres le sont surtout au printemps et en été. D’autres encore, sont caractérisés par de fortes concentrations nocturnes.
L’air extérieur est plus pollué à la campagne qu’en ville
Les concentrations sont plus fortes en milieu rural où il y a une nette prédominance d’insecticides et de fongicides.
Cependant, le nombre de pesticides en milieu urbain peut dépasser celui enregistré en milieu rural en raison de la multiplicité des sources (transfert de traitements agricoles, sources urbaines via l’entretien de parcs publics et de la voirie, traitement des jardins de particuliers, usages vétérinaires, etc.). Ce sont essentiellement les fongicides qui y contaminent l’air.
Quels dangers pour la santé ?
Il y a deux formes d’intoxications aux pesticides.
Une intoxication aigüe, liée à une très forte exposition sur un temps court, pouvant provoquer empoisonnements, risques cutanés ou oculaires. C’est pour une intoxication aigüe que l’agriculteur Paul François a entamé des poursuites juridiques contre la société américaine Monsanto, qu’il a d’ailleurs gagnées.
Et une intoxication chronique, liée à une plus faible exposition sur un temps plus long. Celle-ci peut provoquer de nombreuses maladies comme de l’asthme, des diabètes, des cancers, de l’infertilité, des malformations ou encore des troubles neurologiques (Alzheimer, Parkinson, autisme). En effet, les pesticides peuvent contenir, parmi le savant mélange de produits chimiques qu’ils contiennent, des perturbateurs endocriniens. Ces derniers imitent le comportement de nos hormones et viennent se placer sur les récepteurs à leur place, générant des troubles hormonaux.
Sans oublier que de nombreux pesticides sont des perturbateurs endocriniens avec tous leurs effets néfastes connus sur la santé.
Pour plus d’informations sur les dangers sur la santé des pesticides, retrouvez le dossier santé et pesticides sur le site de Générations Futures. Une carte des victimes des pesticides a d’ailleurs été récemment publiée par l’association.
Petit point d’actualité. Vous avez certainement entendu parler de cette famille de pesticides appelés néonicotinoïdes. Ils seraient responsables en parti de la mort des abeilles. On imagine déjà quelle effets néfastes ils pourraient avoir sur notre santé. Les néonicotinoïdes sont une famille d’insecticides neurotoxiques dérivés de la nicotine. Ils agissent sur le système nerveux central des insectes, provoquant une paralysie mortelle (poursuivre la lecture par cet article de Sylvestre Huet).
En 2016, une étude sur l’usage d’insecticides anti-moustiques révèlent des liens avec l’apparition d’autisme (voir l’article de presse).
Des solutions alternatives aux pesticides existent
La première solution pour faire diminuer l’utilisation des pesticides par les agriculteurs est de consommer bio le plus possible. En tirant la demande, l’offre suivra.
La Semaine pour les alternatives aux Pesticides est une opération nationale et internationale annuelle ouverte à tous visant à promouvoir les alternatives aux pesticides.
Pendant les 10 premiers jours du printemps, période de reprise des épandages de pesticides, le public est invité à mieux s’informer sur les enjeux tant sanitaires qu’environnementaux des pesticides et sur les alternatives au travers de centaines de manifestations partout en France et dans 27 autres pays.
Découvrez ces solutions en vous rendant sur le dossier alternatives aux pesticides sur le site de l’évènement, ou en participant à l’une des nombreuses activités organisées autour de la SPAP partout en France et dans le monde (ateliers jardinage, conférences, projections de films, buffets bio, etc.).
Retrouvez la SPAP sur twitter : @Alter_Pesticide
Consommer des produits issus de l’agriculture biologique est également un geste fort qui a nécessairement un impact sur les pratiques agricoles. En effet, l’agriculture biologique n’utilisent pas de pesticides de synthèse. Pensons aussi à la santé des travailleurs agricoles, les premiers exposés à cette pollution chimique. L’association Phytovictimes est ainsi dédiée à faire émerger ce sujet auprès de cette profession.
Airparif
http://www.airparif.asso.fr/actuali...
ANSES
https://www.anses.fr/fr/content/con...
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https://www.anses.fr/fr/content/exp...
Générations Futures
source :
http://www.respire-asso.org