Le contrôle de l’eau et sa consommation

, par  Grainede Ble , popularité : 1%

Excellente nouvelle : l’eau du robinet se boit ! Analysée, traitée, goûtée en
permanence, elle contient même du calcium et d’autres micronutriments excellents
pour la santé.

Quelle est la boisson la snob de l’été ?

Cherchez bien. Elle est sans étiquette, mais on lui donne parfois des noms de
château - Chirac, Delanoë, La Pompe... Elle peut venir de loin, mais il suffit
de tendre la main pour en remplir son verre. Elle est précieuse, mais ne coûte,
en moyenne, que 0,3 centime d’euro le litre. Vous l’aurez deviné, c’est l’eau du
robinet.

Dans son dernier opus publié ces jours-ci, le C.I.Eau * est fier de l’annoncer :

En 2005, pour la première fois depuis 2001, la consommation - celle, en tout
cas, que l’on déclare - quasi quotidienne de l’eau du robinet dépasse celle de
l’eau plate en bouteille. Plus d’un buveur sur deux est « mixte », et 54 % de
l’eau qu’il boit coule du robinet. « Jolie remontée après trois années de traversée du désert. Pourquoi les Français l’avaient-ils condamnée au point de devenir, après les Italiens, les plus grands amateurs d’eau minérale et d’eau de source au niveau international ? Cent litres d’eau embouteillée par an et par habitant - soit environ deux fois plus que les Espagnols et vingt fois plus que les Japonais -, ce n’est pas rien. » Surtout dans un pays reconnu dans le monde entier pour son modèle de gestion des eaux et qui l’exporte même partout, via ses deux grandes compagnies, la Lyonnaise et la Générale ", souligne André Santini, président du Sedif ** et député-maire d’Issy-les-Moulineaux.

Il faut dire que l’eau n’est pas un produit ordinaire : parce qu’elle constitue
60 % du corps humain et 70 % de la planète, elle incarne la vie. Toute atteinte
à son intégrité, toute affaire de pollution ou, a fortiori, de corruption est
perçue comme très grave dans l’esprit du public. " Il n’y a pas de séparation
entre la perception que le consommateur a de l’eau et son imaginaire, ajoute
Monique Chotard, directrice du C.I.Eau. Pour peu qu’une nappe ou une rivière
soient montrées du doigt quelque part en France, et c’est partout, dans le pays,
que les soupçons s’éveillent. Le phénomène local prend valeur nationale. "
Un aliment sous haute surveillance

L’eau et analysée et contrôlée :

Au Bureau des eaux de la Direction générale de la santé (DGS), on est formel
 :

99 % des analyses effectuées par les services départementaux du ministère de
la Santé (Ddass) sur les 27 000 réseaux de distribution - soit 320 000
prélèvements annuels - sont conformes aux normes fixées par une directive
européenne. Des normes calculées de façon qu’une consommation de deux litres par
jour pendant toute une vie ne présente aucun risque. Couleur, saveur, nitrates,
fluor, pesticides, plomb, streptocoques, aluminium, cyanures, phénols...,
cinquante-quatre paramètres sont ainsi passés au crible, faisant de l’eau
l’aliment - car c’en est un - le plus surveillé de tous.

Les pouvoirs publics ne sont pas les seuls à veiller sur la qualité de l’eau
tout au long de son trajet. Le distributeur lui-même est tenu à une
autosurveillance du point de captage jusqu’au robinet. À noter qu’avant le 1er
janvier 2004, elle s’arrêtait au compteur : les risques de dégradation des
canalisations intérieures des immeubles n’étaient donc pas pris en compte.

Enfin, un troisième niveau de contrôle est effectué par un laboratoire
indépendant agréé. Au final, ce sont plusieurs millions d’analyses qui sont
effectuées chaque jour. Pour couronner le tout, certains fournisseurs
exploitants ont même mis en place des « observatoires » du goût dont les
intervenants sont... vous et moi. C’est le cas de la Lyonnaise des eaux : " Nous
formons des abonnés au métier de « goûteur » d’eau - en Île-de-France, par
exemple, ils sont 4 000 - pour que, régulièrement, via Internet, ils nous
soumettent leurs commentaires, explique Hélène Valade, son porte-parole. Si l’un
d’entre eux nous signale une anomalie, nous remontons le circuit pour en
identifier l’origine et essayer de la corriger. "

Le gout

Bien sûr, il n’est question ici que de paramètres de « confort » (couleur,
odeur, saveur), mais ils sont essentiels aux yeux des consommateurs. Surtout le
goût, puisque c’est le principal motif d’insatisfaction qui ressort de toutes
les enquêtes menées auprès des Français, qui font trop souvent l’amalgame entre
les qualités organoleptiques de l’eau du robinet et sa qualité tout court.
Un exemple : le chlore. Son arôme, auquel certains sont plus sensibles que
d’autres, a le défaut de sa qualité : il est désagréable, mais on n’a rien
trouvé de mieux pour protéger l’eau des contaminations microbiennes jusqu’à son
point de chute. Avec le plan Vigipirate, les doses employées ont même été revues
à la hausse pour pallier d’éventuelles « malveillances ». Autre grande critique
faite à l’eau du robinet : le calcaire. " On a mis du temps à expliquer que le
carbonate de calcium, variable selon les régions, n’était pas une nuisance pour
la santé de l’homme, commente Monique Chotard.
Au contraire, ce calcium apport par l’eau du robinet peut couvrir jusqu’à 20 % des apports conseillés ! « À l’heure où l’on nous répète que ce minéral est un allié précieux contre l’ostéoporose, il est utile de le savoir. Sans compter qu’il » patauge « avec ’autres micronutriments, tout aussi » recommandables ". Les mêmes, en fait, que ceux des eaux minérales. La seule différence, c’est qu’on ne peut pas dire en
quelle quantité, puisque leur taux varie d’une région, d’une ressource, d’un
jour à l’autre...

Prévenir plutôt que guérir

Restent les « indésirables », à commencer par les nitrates et les pesticides, de
loin les plus médiatisés. Récemment encore, un rapport publié par le Muséum
d’histoire naturelle de Paris enfonçait le clou en annonçant que 50 % à 75 % des
eaux françaises dépassaient largement les normes fixées par l’Union européenne.
" Dans certaines régions, il y a effectivement une dégradation de ces
paramètres, reconnaît-on au Bureau des eaux de la DGS. Mais n’oublions pas que
l’eau, une fois pompée, subit un ensemble de traitements qui visent à la livrer
saine aux consommateurs. « » Des traitements plus ou moins lourds, selon la
nature et l’état de la ressource ", confirme Hélène Valade. Reste - et là, tout
le monde est d’accord - que de gros efforts sont à faire en amont, en
particulier sur le plan des pratiques agricoles, principales responsables de la
pollution par nitrates et pesticides des nappes, rivières et bassins. Car si « soigner » l’eau malade, c’est bien, prévenir la maladie, c’est mieux !

Et que se passe-t-il en cas de dépassement de la cote d’alerte ?

Tout est prévu pour que les particuliers concernés soient prévenus au plus vite de la
contamination, qu’elle soit chimique ou bactérienne : presse, télévision locale,
affichage en mairie ou dans les commerces de proximité, annonces par
haut-parleur, courriers, appels téléphoniques... Certains distributeurs
développent même un système d’alerte par SMS.
Un incident plus grave entraîne évidemment l’interruption du pompage à la ressource incriminée.
Est-ce suffisant pour rassurer les esprits chagrins et les méfiants ? " Malgré les messages
alarmistes diffusés par les médias, le niveau de confiance de l’opinion est en
hausse, se félicite Monique Chotard. Il y a dix ans, 66 % des Français
estimaient que l’eau était sûre, ils sont aujourd’hui 76 %. « 

En revanche, ils continuent de penser qu’elle est bien trop chère.

 » Trop chère ? tempête André Santini. Mais elle est en moyenne cent fois moins chère que
l’eau en bouteille ! Élargissons même la comparaison. Sur le plan écologique
d’abord, l’eau du robinet est livrée à domicile sans coût pour l’environnement
et ne produit pas de déchets. À l’inverse, l’eau en bouteille suppose des
matières plastiques - 1,5 million de tonnes chaque année dans le monde -, un
transport - le quart des 89 milliards de litres produits est consommé à
l’extérieur de leur pays d’origine - qui induit des émissions de gaz à effet de
serre. Sans oublier les nuisances pour la nature : il faut compter de cent à
cinq cents ans avant qu’une bouteille jetée n’importe où se décompose
totalement... "

On dit aussi que l’eau embouteillée est plus sûre, mais contrairement à l’eau de
distribution, qui est contrôlée jusqu’au robinet, elle ne l’est plus dès lors
qu’elle quitte son lieu de production. Pour peu qu’elle soit entreposée quelques
heures sur une palette en pleine chaleur, stockée des semaines au domicile du
consommateur, et la voilà devenue eau stagnante ! Et pleine de germes si, en
plus, on la boit au goulot... " L’eau du robinet n’a pas la force de
communication et de marketing des eaux en bouteille, conclut André Santini. Du
coup, elle apparaît sans charme. Dommage, car elle en surclasse certaines sur
bien des points... « * » Les Français et l’eau, 10 ans d’opinion et d’études, 1995-2005 ". Disponible
gratuitement sur simple demande au 01.42.56.20.00 ou sur le site www.cieau.com
** Le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) alimente en eau 144 communes en
région parisienne, soit plus de 4 millions d’habitants.

Conseils au consommateur d’eau du robinet

Vous lavez la carafe après chaque utilisation - avec un peu de vinaigre et de
gros sel - pour éliminer les dépôts de calcaire. Celui-ci, en effet, capte et
retient les mauvaises odeurs.

  • Vous laissez couler avant de remplir la bouteille. Surtout le matin ou après
    quelques jours d’absence pour éliminer celle qui a séjourné dans les tuyaux.
  • Vous couvrez le goulot d’un film et vous l’entreposez au frais pendant au
    moins vingt minutes. Le goût du chlore sera ainsi presque imperceptible.
  • Vous la consommez dans les vingt-quatre heures.
  • Vous glissez dans la carafe une rondelle de citron ou d’orange, une feuille de
    menthe, quelques gouttes d’eau de fleur d’oranger.
  • Vous ne buvez jamais au goulot - ou directement au robinet pour éviter la
    prolifération des bactéries et des microbes.
  • Quand vous en faites des glaçons, vous les renouvelez régulièrement, faute de
    quoi ils s’imprègnent de l’odeur des aliments et sentent le « renfermé ».
  • Pour la cuisine, le thé, le café, faites chauffer de l’eau froide plutôt que
    d’utiliser de l’eau chaude qui a stagné dans un ballon.

Contrairement à l’eau du robinet, les eaux embouteillées, naturellement
potables, ne subissent aucun traitement, si ce n’est l’élimination d’éléments
instables (gaz, fer, manganèse) par des procédés physiques et, éventuellement,
le retrait ou l’ajout de gaz carbonique. Parmi elles, il faut néanmoins
distinguer :

les eaux de source

issues de nappes souterraines protégées de la pollution
et bactériologiquement saines, elles sont conditionnées sur place. Des eaux de
sources différentes peuvent être commercialisées sous une même marque :
Aquarelle, par exemple, est issue d’une source en Espagne et d’une autre en
Belgique. Leur composition en minéraux et oligoéléments n’étant pas forcément
stable, elles ne peuvent se targuer d’aucune vertu

- les eaux minérales

extraites d’une source unique, elles sont tout aussi
irréprochables sur le plan de la pureté - et sévèrement contrôlées -, mais leur
composition doit être constante et affichée sur l’étiquette. Ce sont des eaux
reconnues favorables à la santé par l’Académie de médecine et autorisées par le
ministère de la Santé. Et plus elles sont riches en minéraux, plus elles ont de
goût.

source : Emmanuelle Blanc. Madame Figaro. Photo : Graham Shearer/Madame Figaro

Voir en ligne : Le contrôle de l’eau et sa consommation

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