L’ENERGIE DU
VIDE
Suite
à de nombreuses découvertes aussi bien théoriques qu’ expérimentales, les
physiciens affirment qu’il faut désormais considérer le couple Matière + Vide
comme formant un tout indissociable.
Ceci semble valable
également en ce qui concerne les lois de conservation d’énergie et celle de la
quantité de mouvement.
Pourquoi ne
l’a-t-on pas remarqué plus tôt ?
Il
est un fait acquis depuis longtemps qu’en Electrodynamique Quantique le vide
était considéré comme une “banque” d’énergie dans laquelle il était permis
d’emprunter un certain montant.
Cependant, en vertu du principe d’incertitude d’Heisenberg, le remboursement
devait se faire d’autant plus rapidement que la quantité empruntée était
importante.
Les interactions fondamentales étaient donc supposées toujours respecter une
“symétrie" : elles sont calculées dans le cadre de théories faisant appel à une
“symétrie de jauge”.
Ces théories sont dites “renormalisables”, càd que l’on doit pouvoir supprimer
tous les termes divergents vers l’infini, tels ceux apparaissants suite à la
prise en compte de ces fameuses fluctuations des champs du point zéro.
Cependant, divers auteurs (Bohm, Felden,..) ont fait remarquer la nature “ad
hoc” de ces diverses procédures de renormalisations, qui sont souvent créées au
cas par cas et n’interviennent finalement que pour permettre de retrouver un
résultat de calcul correspondant à des expériences scientifiques précises.
Le Vide, considéré jusque-là comme une entité "virtuelle" purement théorique, se transforme ainsi peu à peu en un milieu énergétique bien réel, dans lequel la matière manifeste des interactions tellement équilibrées ("symétriques") que l’existence d’un milieu universel qu’est le champ du point zéro ne nous est pas directement perceptible. |
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Car de deux choses l’une
(application du principe du rasoir d’Occam) :
- ou bien il s’agit d’un artefact mathématique de la théorie
quantique, auquel cas aucun effet réel ne peut jamais résulter de la
seule prise en compte de ces fameux champs du point zéro ;
-ou alors ces champs existent réellement, comme semblent l’indiquer les
expériences scientifiques citées plus haut, et la physique doit maintenant
évoluer pour les intégrer dans des théories décrivant mieux encore l’ensemble de
la réalité (matière + vide).
Il apparait clair qu’il n’existe pas de place pour une solution intermédiaire.
On peut (et l’on va) évidemment remettre en question les définitions
fondamentales de l’énergie et de la matière : qu’est-ce que la masse, qu’est-ce
que le champ électrique, etc.. Voir : Haisch, Puthoff, Cole, etc
Mais le problème est plus général : l’étape suivante de la physique est
d’intégrer ces nouvelles données et de considérer les théories actuelles, si
efficaces qu’elles aient été jusqu’à présent, comme des cas limites
(particuliers ?) d’un ensemble plus vaste.Quelques
auteurs célèbres s’expriment à ce sujet :
Marceau Felden :professeur
à l’université à Paris-sud et à l’école supérieure d’Electricité
Citations de son ouvrage “Le modèle geométrique de la physique”, éd. Masson,
1992
N.B. : Dans le texte qui suit, “P” est l’ensemble des phénomènes physiques
réels, et “G” est le modèle géométrique (ou mathématique) supposé pouvoir
décrire les phénomènes observés dans l’ensemble “P”.
p.16 : “Selon ce shéma, tout ce que contiendrait P, en particulier
toutes les interactions, serait le résultat d’effets géométriques dans un
hyperespace “vide”. Les propriétés de G conduisent ainsi à envisager que P ne
soit que du “néant structuré”, l’électrodynamique quantique et la théorie
quantique des champs n’étant finalement que l’étude du vide mais pas n’importe
lequel !”Ilya Prigogine :Prix Nobel
de chimie 1977, directeur des Instituts internationaux de Physique et de Chimie
Solvay à Bruxelles et du centre de mécanique statistique à l’Université du Texas
à Austin.
Citations de son ouvrage “Entre le Temps et l’Eternité”, avec I. Stengers, éd.
Fayard, 1988
p.157 : “Mais posons-nous d’abord la question : une genèse de notre
Univers matériel pourrait-elle être compatible avec les lois physiques ? Ne
devrait-il pas s’agir d’une création ex-nihilo , par définition en
dehors de ces lois ? C’est ici qu’il faut rappeler une conception aujourd’hui
très répandue, qui ferait de la genèse de l’Univers un “free lunch”, un
événement gratuit. (...) En effet, dans l’Univers, l’énergie se trouve sous deux
formes : l’énergie liée à la gravitation, qui est une force d’attraction, et
l’énergie liée à la masse par la célèbre formule d’Einstein, E=mc2.
Or, au bilan, l’énergie liée à la gravitation apparaît avec un signe négatif,
alors que celle qui est liée à la masse a un signe positif. De ce point de vue,
on pourrait donc affirmer qu’il n’y a pas de différences énergétique entre notre
Univers et un Univers vide, l’Univers de Minkowski auquel nous avons déjà fait
allusion : un bilan énergétique nul peut tout aussi bien résulter de la somme de
deux zéros (Univers vide) que de la somme de deux quantités égales et de signes
opposés (Univers matériel). En d’autres termes, du point de vue de l’énergie, il
n’y aurait donc pas de prix à payer pour passer de la non-existence à
l’existence. L’Univers,(...) pourrait n’être qu’une autre expression du néant et
pourrait donc surgir spontanément de ce néant : sa création ex nihilo ne soulève
en effet aucune contradiction du point de vue énergétique. La naissance de
l’Univers serait alors assimilée à une fluctuation spontanée du vide.”
p.162 : “Il (le mécanisme du “free lunch”) extrait du réservoir
d’énergie négative que constitue la structure géométrique de l’espace-temps
décrite par les équations d’Einstein, l’énergie positive nécessaire à la
matérialisation des particules virtuelles.”Michel Cassé
:astrophysicien au C.E.A., le Commissariat à l’Energie Atomique français
Citations de son ouvrage “Du vide et de la Création”, Editions Odile Jacob,
1993.
p. 17 : “(...) 2. Qu’on ne peut dire que l’énergie du vide est nulle en
permanence. Malgré son apparence absente, impavide, le vide se laisse deviner
par ses fluctations aléatoires, comme l’air par le vent.
3. Que le vide sensitif est une substance ayant une densité d’énergie et une
pression bien définie jouant, à certaines périodes, sur l’expansion de
l’Univers.(...)
4. Que la matière est une conséquence nécessaire des lois de destruction du vide
(...)
5. Et enfin, que l’univers observable n’est qu’une bulle dans un champage de
vide généralisé.”
p.134 : ““Vide” et “Matière” : leurs propriétés sont mutuellement
complémentaires. Le vide est l’état latent de la réalité, la matière ordinaire
composée de particules élémentaires, l’état manifeste.De fait, la matière seule
ne constitue pas un système fermé, le vide n’est pas l’autre être de la matière,
mais son complément et c’est le système matière + vide qui
est le berceau de l’immortalité. La loi de conservation de l’énergie s’applique,
en effet, à la somme des deux.(...). Le vide assure au monde l’unité de son
fonctionnement. Il est l’essence originelle de tous les corps. Il crée la
matière et les forces qui s’exercent sur la matière. Il crée l’inertie, la masse
qui résiste aux forces. Il est, par là, la source des trois principes, matériel,
dynamique et inertiel.”
p.162 : “Par cette ruse de language, on s’accorde la liberté de
considérer que l’énergie minimale du vide n’est pas forcément nulle, ce qui
revient, le cas échéant, à lui attribuer un contenu. Et en lui affectant une
énergie non nulle, on lui donne une chance d’évoluer.”
p.163 :”Nous venons de définir le vide négativement, par privation,
comme espace sans particules réelle. On peut aussi en donner une définition
positive, dont l’intérêt est de nous faire comprendre, précisément, ce que nous
qualifieront d’énergie du vide : c’est, comme nous n’avons cessé de l’affirmer,
un océan de particules virtuelles. Celles-ci, bien qu’éphémaires, interagissent
très légèrement entre elles et avec la matière alentour, et confèrent au vide
une certaine énergie potentielle.
(...) Dès que l’on admet la réalité du vide quantique, il n’y a plus aucune
contradiction entre l’être et le non-être matériel. La Matière est le dernier
masque du Vide.”
Sur la valeur apparemment nulle de la constante cosmologique calculée dans le
cadre classique des théories d’Einstein :
p.172 : “Il est très difficile, sinon impossible, d’expliquer ce fait
cosmologique. En effet, la densité d’énergie du vide électromagnétique, dont
l’effet Casimir donne une preuve expérimentale directe, à lui seul donne
naissance à une valeur titanesque de 10exp92 grammes par cm3, ce qui
est 120 ordres de grandeurs supérieur à ce que l’observation permet ! (...) Tant
que cette contradiction ne sera pas levée, aucun physicien, aucun cosmologiste
ne pourra dormir en paix. La physique, de tout évidence, aborde une nouvelle
crise majeure. (...) Une physique inconnue joue probablement le rôle décisif.”
Basarab Nicolescu :
physicien théoricien au CNRS
Citations de son ouvrage “Nous, la particule et le Monde”, Editions Le Mail,
1985
p.72 : “Le Vide quantique - un vide “plein” : (...) Quand nous
pénétrons dans une région de plus en plus petite de l’espace nous découvrons une
activité de plus en plus grande, signe d’un perpétuel mouvement.
La cléf de la compréhension de cette situation paradoxale est fournie à nouveau
par le principe d’incertitude de Heisenberg. Une toute petite région de l’espace
correspond, par définition, à un temps très court et donc, conformément au
principe de Heisenberg, à un spectre très large d’énergies. Par conséquent, pour
des intervalles de temps très courts, la loi de conservation d’énergie peut être
violée : tout se passe comme si les quantas de matière sont créées à partir de
rien. Plus précisément, les “fluctuations quantiques” du vide déterminent
l’apparition soudaine de paires particules-antiparticules “virtuelles” qui
s’annihilent ensuite réciproquement, ce processus ayant lieu dans des
intervalles de temps très courts.”
Sur la nature de la “réalité” quantique et la découvertes de “nouvelles”
propriétés de la Nature :
p.75 : “On pourrait aussi se poser des questions sur la véritable
signification de la confirmation expérimentale d’une théorie. Le vide quantique
contient d’infinies possibilités d’existence “expérimentale”. Dans nos
réflexions nous effectuons nécessairement un choix, une sélection des “faits
expérimentaux” que nous considérons comme “significatifs”. On pourrait aussi
penser, comme Andrew Pickering et d’autres représentants de l’école
anglo-saxonne de sociologie des sciences, que nous sommes engagés inévitablement
dans une “construction sociale” de la Réalité. Mais on peut aussi penser que
notre rôle est à la fois de trouver et de donner un sens à la réalité.
Le vide quantique est, je crois, une merveilleuse facette de la Réalité, qui
nous montre que nous ne devons pas nous arrêter aux “illusions” créées par notre
propre échelle. Les quantas, les vibrations, qu’ils soient “réels” ou
“virtuels”, sont partout. Le vide est “plein” des vibrations.. Il contient
potentiellement toute la Réalité.”
p.76 : “D’un échec le problème des “infinis” a été transformé en
triomphe. La croyance qu’une théorie, pour être “réaliste” doit être
“renormalisable” fait d’ailleurs partie intégrante du “dogme” actuel de la
théorie quantique des champs.”
p.149 : “Toute l’histoire des sciences témoigne de la lutte incessante
et acharnée contre l’inconnu et on pourrait affirmer que l’inconnu est la source
même du progrès scientifique. Beaucoup d’aspects qui ont été considérés à une
époque comme irrationnels, bizarres, paradoxaux sont devenus ensuite, par la
démarche scientifique, rationnels, normaux, intégrés dans une description
scientifique cohérente.”David Bohm , le célèbre
physicien anglais, récemment décédé, écrit dans l’un de ses plus important
ouvrage "Wholeness and the implicate Order" datant de 1980 , (publié en français
sous le titre "La plénitude de l’Univers" aux Ed. du Rocher, 1987),sa vision de
l’univers ainsi que son interprétation des théories actuelles et à venir.
Stanislas Grof commente pour nous les conceptions de Bohm dans la préface et
nous livre les réflexions suivantes :
p.13 : "(...)Bohm insiste sur la nature dynamique et le flux continu de
l’Univers. A la fois la mécanique quantique et la théorie de la relativité
impliquent clairement que la relativité doit être comprise, non comme un
assemblage d’objets ou entités séparées, mais comme un processus de plénitude
indivise en état de flux et de changement constant.(...)
Le modèle de Bohm introduit aussi un changement radical dans la compréhension de
l’espace et du temps. Contrairement à ce qui se produit dans la physique
classique, l’espace n’est pas vide dans la théorie du holomouvement ; ce que nous
percevons à travers nos sens comme du vide est en réalité un plein, il contient
une quantité énorme d’énergie. Selon les calculs de Bohm, chaque centimètre cube
d’espace vide contient plus d’énergie que ce qu’on pourrait trouver dans toute
la matière de l’Univers connu.(...) C’est cet arrière-plan énergétique caché qui
engendre les projections tridimensionnelles constituant le monde phénoménal que
nous percevons dans notre vie de tous les jours."
Mais laissons s’exprimer Bohm lui-même :
p.192 : "Comme la proposition l’implique, ce que nous appelons "espace
vide" contient un immense arrière-plan d’énergie, et la matière, telle que nous
la connaissons, est une petite excitation "ondo-particulaire quantifiée" à la
surface de cet arrière-plan, plutôt comme minuscule ride sur une vaste mer. Dans
les théories physiques courantes, on évite la considération explicite de cet
arrière-plan en calculant seulement la différence entre l’énergie de l’espace
vide et celle de l’espace qui contient de la matière.(...) Toutefois, des
développements ultérieurs en physique pourraient permettre de prouver d’une
façon plus directe l’arrière-plan décrit ci-dessus. Plus encore, même à présent,
cette vaste mer d’énergie peut jouer un rôle essentiel dans la compréhension du
cosmos comme un tout.
Selon ce point de vue, on peut dire que l’espace, qui a tellement d’énergie, est
plein plutôt que vide."NB : ces passages sont
extraits de la version française imprimée en 1990.
Marc
HERMANS, ©
2003